jeudi 8 mars 2018

Arbre en terre


Ce matin, je me suis réveillé arbre. Cela aurait dû m'inquiéter ou du moins me surprendre, mais pas le moins du monde. Je n'étais ni un arbre majestueux, ni même un arbre exceptionnel, non j'étais le petit prunier chétif et poussif du fond du jardin de mes grands parents. Ce prunier qui nous donnait que trop rarement des bonnes prunes rouges, juteuses et chaudes d'un soleil d'été.

J'essayais de sentir la sève courir dans mes branches mais cela était aussi vain que de vouloir sentir couler mon sang dans mon corps d'homme.
J'essayais alors de bouger, et à mon étonnement je sentais un frémissement, à moins que ce ne soit le souffle d'une matinée d'été.

L’immobilité qui était pour moi source d'angoisse, ici me convenait. A quelle époque pouvions-nous être ? Ces lieux n'existaient plus. Vais-je voir, comme sorti d'un souvenir, mon grand-père venir travailler la terre à mes racines ? Ou grand-mère pendre son linge en offrande au vent ?

Je peux voir une partie de leur maison, mais rien ne m'indique si je vais me voir courir en culotte courte dans les herbes hautes.

A quelques mètres de mon moi arbre, il y a un cerisier plein de fruits, je crois y voir ma mère. Je la reconnais, quelques branches mortes à terre, le tronc penché en avant, en voûte.
Soudain, toute la famille est là, chêne, noisetier, noyer, pommier et saule pleureur. Tous réunis dans le jardin de grand-père et grand-mère. Ils sont là aussi, dans la lumière, dans les herbes, dans le souffle du vent, dans la terre humide à mes racines.


Ce matin, je me suis réveillé arbre en terre.    

                                                                                                           Voyageur de mots



1 commentaire:

  1. Alors là j'ai pleuré. C'est très parlant pour moi. Je voudrais un jour être cet arbre.... Merci Gaël.

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