Ce matin, je me suis
réveillé arbre. Cela aurait dû m'inquiéter ou du moins me
surprendre, mais pas le moins du monde. Je n'étais ni un arbre
majestueux, ni même un arbre exceptionnel, non j'étais le petit
prunier chétif et poussif du fond du jardin de mes grands parents.
Ce prunier qui nous donnait que trop rarement des bonnes prunes
rouges, juteuses et chaudes d'un soleil d'été.
J'essayais de sentir la
sève courir dans mes branches mais cela était aussi vain que de
vouloir sentir couler mon sang dans mon corps d'homme.
J'essayais alors de
bouger, et à mon étonnement je sentais un frémissement, à moins
que ce ne soit le souffle d'une matinée d'été.
L’immobilité qui était
pour moi source d'angoisse, ici me convenait. A quelle époque
pouvions-nous être ? Ces lieux n'existaient plus. Vais-je
voir, comme sorti d'un souvenir, mon grand-père venir travailler la
terre à mes racines ? Ou grand-mère pendre son linge en
offrande au vent ?
Je peux voir une partie
de leur maison, mais rien ne m'indique si je vais me voir courir en
culotte courte dans les herbes hautes.
A quelques mètres de mon moi
arbre, il y a un cerisier plein de fruits, je crois y voir ma mère.
Je la reconnais, quelques branches mortes à terre, le tronc penché
en avant, en voûte.
Soudain, toute la famille
est là, chêne, noisetier, noyer, pommier et saule pleureur. Tous
réunis dans le jardin de grand-père et grand-mère. Ils sont là
aussi, dans la lumière, dans les herbes, dans le souffle du vent,
dans la terre humide à mes racines.
Ce matin, je me suis
réveillé arbre en terre.
Voyageur de mots
Alors là j'ai pleuré. C'est très parlant pour moi. Je voudrais un jour être cet arbre.... Merci Gaël.
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